« Si tous les enfants du monde voulaient
se donner la main... ».
C'est ainsi que Jean-Marcel Bataillard conclut son
témoignage. Insituteur à Chevilly dans les années
d’après-guerre, il découvrira avec ses compatriotes le
sort des villages sinistrés d'Alsace du Nord. Le 8 mai 1945 marque la fin des combats de la
Deuxième Guerre Mondiale en Europe. Une longue
période de reconstruction commence alors et les
paroisses du Consistoire de Hatten font l’expérience
d'un vaste mouvement d'entraide et de solidarité; ce
sont des paroisses protestantes de la région de
Lausanne qui le susciteront. En 1946, grâce à l’initiative des Eglises Suisses, le
pasteur Georges Metzger, en poste à Betschdorf,
peut passer un mois de repos avec sa famille à
Gryon, près de Bex, au Canton de Vaud. C’est pour
lui l’occasion de rendre compte des souffrances de
la guerre des diverses paroisses, et plus particulièrement
du sort de Hatten et de Rittershoffen.
Une aide matérielle ...
Un mouvement de solidarité se met rapidement
en route; des paroisses suisses tissent des liens de
parrainage avec les villages alsaciens. Rittershoffen
et Hatten en sont les principaux bénéficiaires.
Cette solidarité se traduit par une aide matérielle:
des objets de première nécessité, du linge, des
meubles, du matériel agricole, collectés dans les
paroisses suisses, parviendront en Alsace. Des
délégations de responsables suisses viennent sur place
pour assister à la distribution des dons acheminés
depuis la Suisse. Des dons en espèces sont
collectés par les paroisses suisses et leurs annexes,
en faveur des communautés alsaciennes parrainées.
... et des rencontres
Des liens personnels renforcent ces manifestations
de solidarité matérielle. La paroisse de Cossonay-
Grancy invite des enfants de Rittershoffen à passer
un mois en Suisse. Les liens tissés entre l'instituteur
de Chevilly et celui de Niederbetschdorf, Frédéric
Straub, permettent des visites réciproques entre des
élèves de Betschdorf et de Suisse.
Un compte-rendu de 1947 fait état de parrainages de
la paroisse de L’Isle avec Betschdorf, Vufflens et
Cuarnens avec Hatten, Mont-la-Ville avec Buhl,
Cossonay avec Rittershoffen. Niederroedern et
Trimbach, de leur côté, bénéficient d'un parrainage
suisse.
« Nos frères en la foi »
En signe de solidarité fraternelle avec leurs frères
éprouvés, des délégations suisses remettront à la
paroisse de Rittershoffen un calice de Sainte Cène ,
avec la mention gravée "La paroisse de Cossonay-
Grancy à ses frères en la Foi". Sur la patène portant
les hosties est gravée l'inscription: "Rittershoffen
1946 Cossonay-La Chaux-Dizy-Gollion-Grancy-
Lussery-Senarclans".
La paroisse d'Oberbetschdorf reçoit de la paroisse de
l’Isle une croix d’autel et une Bible française.
Niederbetschdorf se voit remettre, avec une Bible
française, un pupitre. La paroisse de Mont-la-Ville
offre une croix d’autel à l’annexe de Schwabwiller.
Des années plus tard, lors de l'inauguration de son
église reconstruite, Hatten recevra, en 1964, une
Bible française. Par ailleurs, une collecte en faveur de
la paroisse aidera à financer le nouvel orgue. Cette
énumération de nombreux témoignages de solidarité
est sans doute incomplète. Ces gestes, dans leur diversité,
laissent jusqu'à nos jours des traces d'une
fraternité que le temps ne pourra pas effacer.
Pierre MICHEL
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